Envoyé Spécial KenyaCe soir, il y a un reportage sur Envoyé Spécial concernant l’horticulture au Kenya…

Eh oui !! Si vous nous le savez pas, le Kenya est un des plus grands exportateurs de roses au monde.

Les fleurs de la discorde

Un reportage de Guillaume Pitron et Alexis Marant.

Vallée du rift, au centre du Kenya. A 2 300 mètres d’altitude, des gigantesques serres se côtoient le long d’une route défoncée qui encercle le lac Naivasha. A 80 kilomètres au sud de l’équateur, la région abrite l’une des plus vastes zones de production de roses au monde.

La floriculture est le nouvel eldorado du Kenya, le premier fournisseur de roses de l’Europe. En 2007, les fleurs représentaient 45% des exportations du pays, pour un chiffre d’affaires de 400 millions de dollars. Rares sont pourtant les consommateurs français à se douter que quelques roses achetées au marché ont été cueillies 48 heures plus tôt dans les hauts plateaux de l’Afrique de l’est…

Lodges somptueux, réserves animales, ensoleillement maximum : le cadre de la « vallée des roses » est digne d’une carte postale africaine. Et pour 50 000 Kenyans accourus des régions les plus pauvres du pays, cette province est synonyme de “vallée du bonheur”, une opportunité unique d’échapper à la misère.

Une chance qui comporte aussi ses revers. Les conditions de travail sont souvent décriées, les faibles salaires critiqués. Les impacts sur l’environnement suscitent également la controverse… Pour nombre d’employés entassés dans les bidonvilles autour des serres, les fleurs de l’espoir sont surtout les fleurs de la désillusion.

C’est clair que l’horticulture est un secteur qui marche au Kenya. Et depuis la chute des prix du café et du thé, qui a poussé les fermiers a lancé de nouvelles exploitations florales, la quantité exportée de fleurs ne cesse de grimper.

Tant mieux pour le pays, vous allez me dire, c’est sûr !! Mais l’impact écologique de ces grandes fermes à fleur est encore méconnu…  Du moins, on le connait – il y a assez d’organisation internationale s’occupant de l’environnement au Kenya, donc le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) – mais la notion d’écologie est difficile à comprendre pour les pays en développement face à la possibilité de profit.

On le ressent très bien lorsque l’on va à Naivasha, il y a des roseraies partout, le niveau de l’eau du lac a baissé et, le plus grave, les fermes abusent souvent de pesticides.  Voici deux photos aériennes du lac de Naivasha (près de Nairobi), le paradis floral !!!
Naivasha en 1986 Naivasha en 2000
Si vous avez vu l’émission et avez des questions particulières sur l’horticulture au Kenya, n’hésitez pas à poster un commentaire.

Petite mise à jour !!!

Bon, j’ai regardé le reportage malgré l’heure tardive !! Juste quelques petites remarques !

C’était bien le Kenya !!

Pas de doute, c’était bien le Kenya que l’on vous a montré… Son Rift Valley, le grand volcan du Mt Longonot siégeant au pied du lac Naivasha.  Et lorsque dans le reportage une personne dit que ce n’est pas l’eau qui manque au Kenya, et bien, il a raison, ce n’est pas l’eau qui manque dans cette région.  En effet, aux bords du lac Naivasha, la centrale géothermique d’Ol Karia fournit presque 30 % de l’électricité kenyane;  donc, tant que l’entreprise est prête à investir pour puiser l’eau dans le sous-sol alors ce n’est pas l’eau qui manque, c’est clair.

Le niveau du lac a baissé mais…

Il ne faut pas le nier, le niveau du lac a baissé, c’est une réalité.  Néanmoins, il est bon de noter que le lac se trouve dans une région volcanique et que donc sa profondeur varie énormément en fonction de l’endroit auquel on se trouve pour prendre la mesure (voir la carte au-dessus, la petite presqu’île est en fait le bord d’un cratère de volcan).  De plus, le lac de Naivasha, comme tous les autres lacs de la région, est un lac peu “profond” et, deuxièmement, son niveau a énormément varié au cours du siècle dernier.

Certes, il est bas actuellement, au plus bas même, mais beaucoup disent que le niveau pourrait très bien vite remonter – en effet, à cause de la petite surface et profondeur du lac, de grandes pluies comme celles de El Nino (1997) suffiraient pour faire remonter le niveau du lac.  Bon, enfin, il est vrai que la baisse du niveau du lac est du essentiellement au pompage intensif des fermes de rose, surtout entre 1982 et 2000, mais le gouvernement avec l’aide de certaines associations de riverain, met tout en oeuvre pour contrôler l’utilisation intensive de l’eau (par exemple, en contrôlant régulièrement les compteurs).  Le problème bien sûr reste que les fermes poussent comme des champignons et qu’il est donc de plus en plus dur pour le gouvernement de contrôler le tout.

La qualité de l’eau et la pollution du lac Naivasha

Les fermes ne sont pas les seules responsables de la pollution du lac de Naivasha.

D’abord, il y a surtout le mauvais assainissement des eaux usagés de la ville de Naivasha qui est passé de 50 000 habitants à 250 000 habitants en dix années de temps, c’est le défi majeur de la municipalité de Naivasha: s’assurer que les eaux usées soient proprement assainies avant d’être rejetées dans le lac.  Cette augmentation démographique est bien sur du à la présence de fermes de roses et donc à la possibilité de trouver du travail, les gens arrivent en masse à Naivasha pour espérer y trouver du travail (et la criminalité à Naivasha ne fait que grimper).

Ensuite, il y a le problème de la jacinthe d’eau (Eichhornia crassipes), une plante exotique envahissante, un véritable “poison” écologique qui réduit la ceinture de papyrus (filtre naturel), favorise l’évapotranspiration (perte d’eau due à la transpiration par les feuilles), augmente la couche de sédiments au fond du lac, consomme toute l’oxygène présent dans l’eau du lac (eutrophisation), réduit les voies navigables, nuit énormément aux poissons et oiseaux d’eau de la région ainsi qu’à leur habitat naturel et augmente le risque de maladie (car il favorise la propagation des vecteurs et maladies).

Et enfin, vient le problème de la pollution du lac suite aux rejets des eaux usées provenant des roseraies se trouvant au bord du lac, l’utilisation de pesticides et autres produits chimiques, la surpêche et les fuites d’huile des pompes à eau.

Bien sur, comme le niveau du lac baisse, tout ne fait qu’empirer !!

Les “casuals”, le travailleur typique kenyan !!

On n’a bien vu dans le reportage que les employés de la ferme Bigot Flowers Ltd étaient bien traités: présence d’un dispensaire, eau potable, cantine, contrat à longue durée, etc… et la liste peut être longue: école gratuite pour les enfants de la famille, terrains de sport et activités sportives, jardin d’enfants et crèches, remise en état des hôpitaux locaux et fourniture d’équipement hospitalier, atelier pratique (ordinateur, couture, etc.), campagne de sensibilisation contre le SIDA, la violence dans les foyers et l’alcool, bus à la disponibilité des employés en cas de mariage, décès, etc., amélioration des conditions de vie des travailleurs en payant une allocation logement ou fournissant le gaz, l’électricité, etc…   Et c’est clair qu’en allant à Naivasha, vous remarquerez très vite que la population est heureuse, que les familles ont leur petit chez-soi en taule, que tout le monde est heureux dans le meilleur des mondes…  Hmmm… Hmmm…

Mais là, on ne peut pas accuser les fermes.  En effet, c’est plutôt la loi kenyane concernant le travail qui était à la traîne car 80 % des travailleurs sont des travailleurs journaliers (”casuals”).  Un “casual” est une personne embauchée à la journée, donc qui n’a pas de contrat et est payé au jour le jour.  Les “casuals” sont partout !!  Heureusement, depuis 2008, chaque entreprise est maintenant obligée d’assurer leurs employés, de payer les taxes ainsi que la sécurité sociale (NSSF & NHIF) et de s’assurer qu’ils adhèrent à un syndicat.  Un an après, les “casuals” sont toujours là, le ministère du travail et les syndicats toujours aussi corrompus et les employés toujours aussi peu payés.

Le reportage l’a bien montré, ces personnes sont payées entre 1 et 2 dollars par jour.  La plupart sont des journaliers ou des personnes en contrat à courte durée.  Et lorsqu’un employé est malade, certes il a la possibilité d’aller au dispensaire mais le mois qui suit il est licencié – la compagnie payant toute les indemnités de départ bien sûr, des cacahuètes (1 mois par année de travail) si on veut.

Mais encore, on ne peut pas accuser les fermes, c’est comme cela que cela fonctionne au Kenya, que ce soit pour le thé, le café, les roses, le coton, le ciment, les jeans, etc… bref, tout ce qui s’exporte !!!

Et le problème majeur reste

Que le paysage autour de Naivasha est couvert de bâches monotones, que toutes les terres (prises par les grands fermiers anglais, les white kenyans) sont utilisées pour la production de roses, mettant fin ainsi à la diversité si riche pour la région, que les paysans locaux n’ont donc plus accès à l’eau douce (le seul lac d’eau douce de la région) faute de terres et de moyens et il en est de même pour le bétail, que la ville de Naivasha explose, la criminalité n’a jamais été aussi forte et les sacs plastiques sont partout !!

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Vos commentaires...    

6 commentaires sur “Le Kenya dans l’émission d’Envoyé Spécial de ce soir”

  1. 1Les avatars, c'est pas tres important, on attend un peu... Fonfec

       bonjour!
    je suis trés « embetée » de ce reportage que j ai vu hier soir sur france 2 au sujet des roses du Kenya…effectivement je suis fleuriste et je me fourni moi meme au Kenya! Mon fournisseur de roses est labéllisé commerce équitable (label Max Havelaar), j avais choisi le commerce équitable dans un souci éthique et cela faisait aussi la particularité de mon commerce! que faire a présent? que dire a ma clientèle? pensez vous que les serres hollandaises sont plus soucieuses de ses problèmes?
    merci de m apporter des réponses, mes techniques de travail étant remises en cause…   

     
  2. 2Les avatars, c'est pas tres important, on attend un peu... TheBigBoss

       Bonjour Fonfec,
    Pffouh !! Désolé pour le retard mais j’ai décroché d’Internet ces derniers jours !!
    Je vais essayer de répondre à votre commentaire (et je vais faire très prochainement une mise à jour de l’article car j’ai également regardé l’émission).

    A/ Bon, j’ai cherché la définition de commerce équitable. Voici les piliers du principe de commerce équitable et comme on peut le constater la notion de préservation environnementale (écologie) y est inclus mais les principaux piliers ont surtout un aspect économique et social:

    1. Créer des opportunités pour les producteurs qui sont économiquement en situation de désavantage;
    2. La capacité individuelle;
    3. Promouvoir le commerce équitable;
    4. Le paiement d’un prix juste;
    5. Egalité entre les sexes;
    6. Les conditions de travail;
    7. Le travail des enfants;
    8. L’environnement;
    9. Les relations de commerce.

    B/ Ceci étant dit, Max Havelaar est un label indépendant contrôlé également par un organisme certificateur indépendant FLO-Cert. L’aspect environnemental y est noté mais FLO-Cert met en exergue les notions sociales et économiques (promotion des relations commerciales Nord-Sud, développement économique et social, etc.). Enfin, le standard FLO-Cert essaye petit à petit à se rapprocher au standard ISO 65 – en imposant, entre autres, un cahier des charges bien définis pour garantir que les standards soient respectés. (voir Wikipédia)

    C/ En faisant quelques recherches sur Google « FLO-Cert roses Kenya« , vous trouverez en effet que compagnies certifié par le standard FLO, la plupart d’entre elles localisées à Naivasha.

    D/ Si vous comprenez l’anglais, je vous invite à lire un petit document en PDF qui fait une synthèse de son évaluation des standards de certification dans l’industrie de la rose au Kenya. La conclusion de ce rapport est mitigé, car il indique que le problème de l’utilisation intensive de l’eau et de la pollution du lac doit être suivi de près et porte encore à discussion, ce qui pour ma part reste un problème majeur. Par contre, il confirme que produire une rose au Kenya émet 6 fois moins de carbone que de produire une rose en Hollande. Enfin, dans le domaine commercial, il signale que le standard FLO-Cert de Max Havelaar a peu de valeur pour une ferme de rose car en France et en Suisse la norme Fair Trade est essentiellement payé uniquement par des grandes chaînes de supermarché alors que cette même ferme peut utiliser des autres voies commerciales pour vendre ses roses de qualité – les mêmes roses sont vendus à des petits commerçants sans le standard Fair Trade à un prix standard (sans la marge « commerce équitable) – et malgré ceci, la ferme continue d’être considérée comme certifiée Fair Trade. Enfin, dans le domaine social, les fermes sont toujours bien notées car elles créent du travail et permettent le développement social et économique dans la région.

    Voilà, pour répondre à votre question et pour faire très court, non je ne pense pas que les fermes ayant le standard FLO-Cert de Max Havelaar (et elles ne sont pas hollandaises) soient différentes de la ferme de M. Bigot que l’on a vu dans le reportage par exemple – ferme qui est certifiée FLO-Cert depuis 2002 pour votre information.  Donc, comme vous avez vu le reportage et la ferme de M. Bigot, vous pouvez vous faire une idée vous même ?? Est-ce que pour vous, les roses de Bigot Flowers devraient avoir une place dans votre magasin ??

    Une seule et autre personne a écrit un commentaire dans le forum d’Envoyé Spécial sur ce sujet et étrangement, elle y parle de Max Havelaar: « il s’agit du seul à avoir tenté de mettre un peu d’ordre et de respect en faisant interdire certains pesticides, le seul qui ait exigé la mise en place de contrats de travail, le seul encore à avoir généralisé le suivi médical, la scolarisation, le salaire minimum… Il s’agit du seul référent international en matière de commerce équitable et c’est Max Havelaar (fair trade). »

    Mon point de vue personnel est que certes ces standards permettent de promouvoir le développement dans le pays et améliorent surement les choses à petite échelle (pour le bien-être de l’employé essentiellement), mais « ils consistent surtout à masquer un problème : la réduction de la part de l’agriculture vivrière au profit des cultures d’exportation, ce qui rend dépendant des achats du Nord des populations qui pourraient développer leur souveraineté alimentaire indépendamment des habitudes de consommation des pays dits « riches ». De là l’importance de consommer des produits locaux. » Je crois au commerce équitable lorsqu’il s’agit d’une corporation de petits agriculteurs et que l’argent versé est ainsi directement distribué aux agriculteurs, par contre lorsque l’on parle d’une compagnie qui s’approprie le terrain, utiliser les ressources naturelles pour exporter et s’enrichir (comme les fermes au Kenya), j’y crois beaucoup moins – dans ce cas, le standard n’est là que pour augmenter leur quantité de produits exportés (généralement 30% d’augmentation direct = plus d’emplois locaux journaliers; c’est un peu contradictoire).
     
    TheBigBoss   

     
  3. 3Les avatars, c'est pas tres important, on attend un peu... Fonfec

       merci pour les infos bigboss! de mon coté je me suis renseignée auprés de la hérarchie de mon founisseur et les réponses que j ai eut m ont relativement rassurées. A prioris on ne peut comparer une roseraie lanbda avec une roseraie labélissée équitable. Les conditions y sont relativement meilleures et l’ utilisation de pesticides et autres nuisances environnementales sont bannies et tout ceci est vérifié et surveillé, d’ou le label…
    De plus la roseraie en question est située en Tanzanie et ne puise pas son approvisionnement en eau dans le lac de Naivasha.
    Merci encore pour vos précisions, bonne continuation!   

     
  4. 4Les avatars, c'est pas tres important, on attend un peu... Alexandra

       Bonjour!
    Je réalise actuellement une étude sur l’horticulture au Kenya! Malheureusement, je n’ai pas pu voir ce documentaire et France 2 ne peut pas nous envoyer un lien ou une vidéo pour le visionner!
    Sauriez-vous où je peux le voir??
    Aussi, auriez-vous des informations sur l’horticulture au Kenya???

    Merci d’avance

    Alexandra Arnaud   

     
    • 5Les avatars, c'est pas tres important, on attend un peu... TheBigBoss

         Sauriez-vous où je peux le voir ?
      -> Malheureusement, non… A mon avis, nulle part sauf si vous écrivez à Envoyé Spécial mais j’ai bien peur que personne ne vous répondra.

      Aussi, auriez-vous des informations sur l’horticulture au Kenya ?
      -> Internet est rempli d’informations sur l’horticulture au Kenya… Je net ravaille pas dans ce domaine, donc non… mais après s’il s’agit d’informations d’ordre générale, alors je pourrai toujours y répondre. Sinon, Internet ou contactez des entreprises ou ONG ou même le Kenya Horticultural Council. L’horticulture est un secteur clé de l’économie kényenne, alors il existe énomément d’institutions/organismes/organisations parlant de l’exporation et de l’horticulture.

      Voilà… Et merci pour le commentaire     

       
  5. 6Les avatars, c'est pas tres important, on attend un peu... Nouaille

       j’ai travaillé dans le domaine des tapis et des objets et j’ai été dégoutéé de la même façon par la notion de commerce équitable .il y a une société française qui vend des couverts en bambou et une autre des saladiers en bambou . En fait ils ont le mçeme siége à un bureau d’écart ils se servent de ce label pour créer à chaque fois un nouveau poste de directeur ,de sous directeur ,de directeur commercial etc et au final les gens ne touchent pas plus d’argent ….. Ils achêtent simplement notre bonne conscience et en retire un profit commercial et pour finir je vais répondre à cette question du travail des enfants par ce qui m’a été répondu par une ONG installée en afganistan : comment voulez vous que les enfants ne travaillent pas si un père a déja 17 enfants :c’est vivre ou mourir!   

     

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