Vendredi 12 décembre, c’était jour férié au Kenya…

Le JAMHURI day est la journée la plus importante car on y commémore à la fois l‘indépendance du Kenya – le pays étant officiellement libéré des “méchants” colons anglais, le 12 décembre 1963 – et la création de la République démocratique du Kenya – le Kenya étant devenu officiellement une république le 12 décembre 1964, soit un an plus tard.

Ici, comme partout dans le monde (je suppose), on a donc droit à une journée de congé pour pouvoir regarder le défilé à la maison devant notre bonne vieille télé…  Défilé militaire, remise de médailles et autres reconnaissances présidentielles, puis discours de notre Président, le tout devant une foule “endormie” dans le vieux Nyayo stadium, sous un soleil de plomb (le soleil de décembre).  Bon, Peperuka et moi étions en train de manger de l’injeera au restaurant éthiopien.

Y en a marre !!!Mais malheureusement cette année, la journée ne s’est pas déroulée comme il le fallait !!

Le peuple a faim  !!!

Et comme le chante si bien Bob Marley dans sa chanson “Them belly full (but we hungry)” (traduire par “leur ventre sont pleins mais on a faim”), “un peuple qui a faim est un peuple en colère” (”an hungry mob is an angry mob“)…

Le peuple en a marre !!

  • La plupart des parlementaires/députés refusent toujours de prélever des taxes sur leurs primes (primes pour couvrir leurs frais de fonctionnement: voyage, voiture, essence, etc.) et cela malgré la pression des médias;
  • Les politiciens sont toujours opposés aux conclusions du rapport Waki – rapport qui fait le bilan des conflits de l’année dernière et remis à Kofi Annan dernièrement – qui demande à ce qu’un tribunal spécial soit créé pour juger les responsables des clashs qui ont suivi les élections;  et après un an, des déplacés n’ont toujours pas de maison et vivent toujours sous des tentes;
  • Les prix ne baissent pas, malgré la baisse du prix du baril…  L’essence à la pompe n’a baissé que la semaine dernière.  Et les denrées alimentaires de base au supermarché n’ont toujours pas baissé !!  Des spéculateurs en ont profité pour faire monter le prix de la farine de maïs en spéculant sur le stock, du coup la population ne peut plus s’acheter de farine et le gouvernement a donc demandé d’urgence à ce qu’il y ait un prix pour les riches (120 Kshs) et un prix pour les pauvres (60 Kshs) !!
  • Enfin, pour fermer le clapet des médias (qui ont tout fait pour médiatiser cette histoire de taxe), un amendement a été apporté à la Communication Bill – la loi sur les médias – donnant ainsi plein pouvoir aux politiciens (qui peuvent fermer n’importe quelle radio ou télé en un claquement de doigts) et réduisant au minimum les libertés de la presse.

Si vous combinez tout cela…  des politiciens souriants qui s’en mettent plein les poches et une population affamée qui lutte quotidiennement pour s’acheter un paquet de farine, alors vous obtenez une marmite bouillonnante qui n’attend qu’à déborder.  Et c’est cela le Kenya en ce moment, un ras-le-bol général !

Partnership for ChangeDu coup, plusieurs personnes ont tenté de s’introduire dans le stade en portant un T-shirt sur lequel il est inscrit “Pas de taxe pour les députés, pas de taxe pour nous“…  Et illico-presto, ils se sont faits arrêtés par la police – dont les populaires Mati (Mwalimu) et Caroline Mutoko inclus – et ont été amenés à la police de Langata !!

Quelle tribune d'honneur derrière Nyambane !!!Et en bouquet final, un commentateur radio très très très connu au Kenya, Nyambane, a réussi à s’introduire dans la tribune d’honneur (une tribune de gens sales – voir légende de l’image pour les noms) et a interpellé le public en plein discours officiel du Président de la République en swahili.  Il a tout de suite été interpellé par les forces spéciales en civile, quelques policiers lui ont tapé dessus également… Le stade a fait un grand “bouh bouh bouh” ensuite dès que Kibaki a repris la parole, et quelques fous furieux en colère ont également tenté de protester en sautant par dessus les barrières pour accéder au stade !!  Une commémoration chaotique !!

Nyambane interpellé par les forces spéciales

Ces actes a été réprimandés par beaucoup d’associations qui militent en faveur de la protection des droits de l’homme, Reporter sans frontières inclus !! Voici la lettre écrite par cette association :

M. Mwai Kibaki, Président de la République, Nairobi – Kenya

Paris, le 11 décembre 2008

Monsieur le Président,

Reporters sans frontières, organisation internationale de défense de la liberté de la presse, souhaite vous exprimer son inquiétude après l’adoption par le Parlement, le 10 décembre 2008, du “Kenya Communications (Amendment) Bill 2008″, ou “ICT Bill”.

Comme cela ne vous a pas échappé, ce projet de loi particulièrement réactionnaire a suscité de fortes réactions de la part des professionnels des médias au Kenya et au sein de la communauté internationale. S’il était ratifié, il en résulterait, de notre point de vue, un dangereux recul de la liberté de la presse dans votre pays pourtant connu pour la diversité de ses médias, leur liberté de ton et leur professionnalisme. Le Kenya perdrait par conséquent son statut de “modèle” en ce qui concerne la préservation des libertés et ce geste constituerait un exemple négatif que ne manqueraient pas d’exploiter les prédateurs de la liberté de la presse du continent.

En effet, en contravention avec tous les standards démocratiques, le ICT Bill prévoit de lourdes amendes et des peines de prison pour les délits de presse. Il prévoit également la création d’une “commission sur les communications”, nommée directement par le gouvernement et chargée d’accorder les licences de diffusion. L’article 86 du projet de loi confère au ministre de l’Information le droit d’interrompre des émissions, de démanteler les organes de diffusion et de procéder à des écoutes téléphoniques, tandis que le ministre de l’Intérieur est, lui, autorisé à ordonner, sur sa simple et unique décision, la saisie des équipements d’une radio. Ces pouvoirs de police ne doivent pas, dans une démocratie, être mis entre les mains du pouvoir politique. Cela constituerait un déni total du principe de la séparation des pouvoirs et une arme redoutable fournie aux ennemis de l’Etat de droit.

Enfin, nous sommes stupéfaits par le fait que le ministre de l’Information pourrait détenir un pouvoir de contrôle sur le contenu même des informations, la commission nommée par ses soins devant s’assurer que les programmes sont “de bon goût”. Il n’appartient pas à un ministre, quel qu’il soit, de juger de la qualité de l’information, d’autant que la notion de “bon goût” n’a aucune valeur juridique.

Nous vous demandons donc de ne pas ratifier ce projet de loi. Une telle démarche de votre part constituerait un geste fort. Elle serait le témoignage de votre respect pour la presse kenyane ainsi que pour les organes de régulation indépendants, dont nous vous enjoignons par ailleurs à renforcer le rôle.

vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma très haute considération.

Jean-François Julliard Secrétaire général

Bon, est-ce le retour aux années Moi ???  Bientôt, je pourrai commencer tous mes articles par “Aujourd’hui, notre bon et cher Président a fait…” pour finir par “Gloire à notre Président“, à la Groland quoi !!

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