Comme beaucoup d’entre vous, j’ai été choqué par les horrifiques nouvelles qui nous sont parvenues le 26 décembre dernier du pays des cow-boys, la tuerie de Newtown dans le Connecticut et le décès de vingt enfants et six adultes !!

En apprenant la nouvelle, j’ai immédiatement pensé à une vidéo d’Erykah Badu que j’ai visionnée quelques jours avant la tuerie… pour écouter quelques singles d’Erykah Badu, une chanteuse néo-soul qui a tenu un concert à Nairobi organisé par Tusker Lite le 11 décembre !

Quel est le rapport entre la tuerie de Newtown et Erykah Badu?
Et bien, une vidéo intitulée « Window Seat » !!

Peu avant son concert, Erykah Badu a dit lors d’une conférence de presse à Nairobi une phrase vite retwittée par Up Magazine :

“Aux États-Unis, la nudité est très mal comprise lorsqu’elle n’est pas emballée pour être consommée par le monde du divertissement masculin”

Peu de gens ont percuté, ni compris le message qu’Erykah souhaitait faire passer… et pourtant, deux ans après la vidéo « Window Seat« , elle persévère et continue à se battre contre « eux« .

Avant tout, pour comprendre le quoi-du-comment-du-tout, voici la fameuse vidéo « Window Seat« . Déjà la chanson est pas mal du tout, mais la vidéo est un bijou

Erykah Badu a fait cette vidéo sans trucage et sans montage… Une seule prise, du début à la fin… et sans autorisation préalable.  Dans une interview, elle explique qu’elle avait marqué la vieille au soir le sol d’une croix marquant l’endroit précis où elle serait abattue; les plus perspicaces remarqueront que c’est exactement l’endroit où le président Kennedy a été assassiné en 1963.

La chanson finit par :

« Ils font attention, ils sont rapides pour assassiner ce qu’ils ne peuvent pas comprendre. Ils bougent en groupe, ingurgitant de plus en plus de peur après chaque acte inspirant à la haine envers les autres. Ils se sentent mieux en groupe, moins coupables de continuer à avaler. Ils sont nous.  C’est ce que nous sommes devenus. Nous avons peur de respecter l’individu. Une seule personne dans une circonstance particulière peut faire changer les choses. Pour s’entraimer. Pour évoluer.« 

Mais qui sont « ILS » ?
Et bien, tout simplement, les maîtres de l’industrie télévisuelle et ceux qui régissent les libertés des médias et des communications. Les nouveaux maîtres du monde en gros…

Les mêmes que George Gerbner, un hongrois qui a émigré aux Etats-Unis dans les années 30 ans pour fuir le fascisme allemand, appelle les « nouveaux fascistes » dans ce long et très intéressant article qui revoit 80 ans de télévision aux Etats-Unis qui finit par cette déclaration du journaliste.

Plus on contemple l’omniprésence des modèles stéréotypés de la télévision, plus on perçoit l’image inexacte de la réalité qu’il cultive chez les spectateurs – et plus on arrive à accepter et comprendre la peur du fascisme exprimé par Gerbner

Gerbner nous explique comment la télévision est devenue au cours des années de plus en plus violentes – « un enfant américain aura vu 8000 crimes et 10 000 actes violents à la télévision lorsqu’il quitte l’école primaire«  – et nous parle d’une machine qui nous « impose des valeurs sociales complexes de pouvoir et de victimisation«  en nous imprégnant d’images nous montrant un « monde bien pire qu’il ne l’est en réalité » aux fins d’inspirer la peur, la crainte et l’anxiété et ainsi « pousser à effacer les particularités individuelles au profit d’un dénominateur commun au groupe« . 

C’est ce que l’auteur appelle « le syndrome du monde méchant« .

Il continue en expliquant que ce méchant monde est promu par une poignée d’individus ayant le monopole, ceux de l’industrie des médias et des bureaux de censure… Ce sont eux qui ont ne voit rien de mal à diffuser des images de plus en plus violentes, « nous avons affaire à une formule qui pousse à la production de masse de la violence pour se distraire – ce que j’appelle la « violence heureuse ». C’est sans douleur, facile à mettre en place et très efficace… et finit toujours pas gagner. […] tous les problèmes peuvent être réglés par la violence et la violence n’a pas de conséquences sérieuses« . Certes, on a tous vu des Tom et Jerry dans notre enfance mais Gerbner nous rappelle que les images sont de plus en plus violents et que le nombre de morts dans chaque film ne cesse d’augmenter (juste un exemple, le premier Die Hard compte 18 morts contre 264 pour le deuxième de la série).

En lisant cela, on comprend bien pourquoi des groupes tels que la NRA propose d’armer des officiers dans les écoles ou que le principe de précaution (vachement à la mode ces dernières années) amène à la mise en place de lois stupides pour le bien-être de la communauté au profit de l’individu ou des opinions minoritaires (comme, juste deux exemples parmi des centaines de lois, il est interdit de prêter son aspirateur à son voisin à Denver et il est interdit de s’endormir sous un sèche-cheveux en Floride).

Et la vidéo d’Erykah alors, trop violente ??
Et bien, figurez-vous que, bien qu’Erykah n’ait pas été arrêtée le jour même, elle a été condamnée pour conduite désordonnée, un délit de classe C après qu’un témoin ait porté plainte…Condamnée à 500 USD, Erykah a plaidé non coupable mais quelques mois après, sous la pression d’une sanction encore plus punitive, elle a finalement décidé de plaider coupable et de payer l’amende.

Mais le plus ridicule dans cette histoire est qu‘on ne lui reproche pas d’avoir commis un acte violent (simulation d’un assassinat) ou porté insulte à une personnalité célèbre ou monument national mais pour nudité, car la seule et unique personne ayant porté plainte a reconnu avoir été choquée de voir une personne se dénudé en public !!

Vraiment !! Et pourtant Gerbner nous rappelle dans son article qu’en moyenne un adolescent voit environ 14 000 images à connotation sexuelle chaque année à la télévision et que la plupart de ces images, bien moins offensive à ses yeux que les images de violence, ne font la promotion des valeurs familiales car un rapport sur huit est une affaire extra- ou pré-maritale…

« La plupart des pays ont des codes de conduite concernant la violence. Pour nous, c’est l’inverse. Nous sommes très prude et peu judicieux lorsqu’il s’agit de juger.« 

Gerbner nous rappelle que ce n’est qu’une question de culture…et il parle d’un exemple assez comique en comparant les bureaux de censure en France et au Canada avec ceux des Etats-Unis:

« Bien que d’autres pays partagent nos préoccupations concernant la violence dans la culture (en France, par exemple, pour les spectacles qui combinent le contenu violent et érotique et peut être psychologiquement perturbant pour les enfants), les européens ont généralement une attitude plus libérale envers le sexe que les américains. D’ailleurs, les théoriciens de la culture et les décideurs d’Europe et du Canada y voir une ironie […] Considérez NYPD Blue, le feuilleton acclamé par la critique, qui a mis en avant les différences culturelles entre les législateurs au Canada et aux États-Unis. Ronald I. Cohen, Président du Conseil national de normes de la radiotélévision canadienne explique: « Aux États-Unis, le problème est plus contenu à caractère sexuel. Au Canada, la seule question était à la violence, non pas avec le nombre de postérieurs nus.« 

Et cela concorde avec ce que je disais lorsque je déplorais de voir des tétons supprimés de la toile:

Vraiment, parfois je ne comprends pas une société où les films/images d’une personne se prenant une balle dans la tête (ou ayant un pistolet sur le crâne) est interdit aux moins de 13 ans alors qu’un autre film montrant quelques tétons post-pubères sera interdit aux moins de 16 ans !!!

Description du message d’Erykah !
Erykah voulait juste profiter du fait qu’elle se trouvait sur le continent de ces anciens pour rappeler aux africains qu’ils ne devaient pas toujours suivre le modèle américain…

Malheureusement, le sexe est toujours un sujet tabou ici et le bureau de censure très actif (bien que les temps changent vite, j’y reviendrai)… Et pour beaucoup d’autres qui pratiquent la religion, le sexe reste un péché si ce n’est pas fait dans le but de procréer !

D’ailleurs, les quelques artistes peintres qui ont osé aborder le sujet de la nudité – Patrick Mukabi, Michael Soi – ont vu plusieurs fois leurs oeuvres confisquées par les autorités et continuent à être bombardés quotidiennement de messages les appelant à relire la Bible.  La dernière fois, un dessinateur kényen avait fait un dessin d’une femme autochtone seins nus et deux persones avaient commenté « que ce n’était pas vraiment chrétien« .  J’ai commenté en modifiant légèrement une citation de Gado qui parlait de l’homosexualité en disant: « La nudité et le sexe n’est pas africain mais occidental… la Bible aussi !« 

Et pour les curieux, une petite vidéo du concert d’Erykah Badu au Kenya (le son est pourri par contre mais rectifié assez vite)

Enfin, remarquez qu’Erykah avait été prévenue à l’avance des voleurs de Nairobbery et surtout ceux spécialisés dans le vol de téléphone portable de célébrités…

Je l’avais également averti quelque part sur Facebook pour rire mais je peux voir qu’elle a pris mes conseils aux sérieux car elle est venue avec la MEGACHAINE qui tue !!

   


Et ici, la vidéo qui a inspiré Erykah Badu à faire de même !

Ah ah !!
 

« Les gens intelligents lisent le Nairobi Star«  (Smart people read the Star) est le slogan accrocheur de ce « nouveau » quotidien qui se vante de parler de choses que les autres journaux omettent de parler !

Bon, quand je dis nouveau, il faut relativiser: le Nairobi Star est né en 2007 et distribué sur Nairobi uniquement; et depuis 2009, il est distribué dans tout le Kenya. Et son site Internet a été lancé dernièrement, en janvier 2011.

OK ! Mais les vraies questions que l’on peut se poser sont :

Est-ce que les gens intelligents écrivent pour le Nairobi Star ?

et…

Est-ce que je deviens intelligent en lisant le Nairobi Star ?

Malheureusement, non  !!

Beaucoup vous diront que le Star est un journal hype ou à buzz, avec des titres accrocheurs et des articles douteux… Bref, que petit à petit, ce quotidien – qui se dit journal d’information pour gens intelligents – est devenu une copie du fameux tabloïd anglais The SUN avec ses célébrités en petites tenues en 3ème page !!

Et bien, le 8 mars 2011, la 3ème page du Star a failli provoquer un débat national.  Le journal a reçu des centaines d’appel de gens en colère; et le jour suivant, il a été « descendu » par le Media Council:

“Nous avons pris note du nombre important de plaintes concernant cet article, que beaucoup disent dégoûtant, dérangeant moralement et de très mauvais goût. Il est clair que le travail des médias et la manière dont il est perçu est remis en cause« 

Mais qu’a fait le Star ??

Et bien, le Star a écrit un tout petit article dénonçant le fait que le jardin public de Muliro, près de Kakamega (oui, je sais, mégacaca), est devenu le lieu de prédilection pour faire hmmm hmmmm… Ce n’est pas l’article qui est condamné mais la publication d’une des deux photos illustrant l’article; les deux photos ont été supprimées du site et sont reproduites ci-dessous.
Et le photographe qui a pris ces photos s’appelle Robert Alai et elles sont disponibles ici (NSFW)

Le Nairobi Star se défend en disant que publier la photo avec les policiers seules n’aurait servi à rien et que:

« les deux photos se doivent d’être publiées ensemble car la première photo – qui ne contient pas de nudité d’ailleurs – montre à quel point la police est complice dans cette histoire« 

Depuis, le jardin public de Muliro est surnommé « la nouvelle capitale du sexe au Kenya » et la sécurité a été intensifiée car le jardin public est un lieu classé historique et ces pratiques dans des lieux publics, quoique l’on dise, restent inacceptables. Certains demandent à ce que ce banc en bambou soit également classé monument historique.
 

(suite…)

Oh non, un article qui parle de politique…
 

J’avais dit l’année dernière que je réduirai le nombr d’articles parlant de politique, et c’est le cas, je ne sais pas si vous avez remarqué, j’ai drastiquement réduit le nombre d’articles parlant des politiciens et de leurs mauvaises manières…. et j’omet des sujets importants comme la famine et la sécheresse qui touche le pays actuellement.

Le pourquoi du comment du donc ??

Pour reprendre Jamel Debbouze (de vache, on a du la lui faire dix milles fois celle-ci), « Non, non, je ne suis pas un journaliste qui passe son temps à prendre plaisir à distribuer des mauvaises nouvelles ou parler de mauvaises personnes« .

Si vous vous intéressez à la politique kényenne, alors lisez la presse !
 

Et alors ??
Aujourd’hui, on parle du grand flop de la semaine dernière !

Des politiciens qui organisent une conférence de presse pour annoncer aux médias que ces derniers doivent abandonner l’utilisation du terme « KKK«  pour désigner leur nouvelle alliance politique !

Il n’y a que les imbéciles qui ne
changent pas d’avis

Le plus bête dans cette histoire est que le terme « KKK » a été employé en premier par les politiciens eux-mêmes pour désigner leur alliance « Kikuyu-Kalenjin-Kamba« .

Une image d’un poster de Banksy qui traduit bien la chose et l’expression « se tirer une balle dans le pied »… Ici, on pourrait dire « accrocher sa propre corde à son cou »

La campagne électorale 2012
Et oui, comme en France !! L’année 2012 n’a pas encore commencé et pourtant les politiciens n’ont qu’une seule chose en tête, gagner les élections de 2012.

On a donc:

• Mwai Kibaki, Président sortant, et on ne s’est pas s’il va se représenter… je ne le pense pas car c’est un vieux monsieur.
• Raila Odinga – vous vous souvenez du Gouvernement de coalition après les conflits électoraux de janvier 2008 – qui est leader du parti ODM et favori pour les élections de 2012. Odinga est l’élu des luo/luhyas
• William Ruto, Ministre de l’éducation, l’élu des kalenjins…
• Kalenzo Musyoka, Vice-Président, et l’élu des kambas…
• Uhuru Kenyatta, Ministre des finances, et l’élu des kikuyus…

Et vous pouvez le constater, tout cela reste très tribal, en effet !!

Comme Odinga est donné favori pour les élections de 2012, les trois autres prétendants ont donc décidé de former une alliance regroupant les trois tribus commençant par la lettre « K » – donnant ainsi naissance au « KKK » – et faire concurrence à l’alliance d’Odinga, qu’ils avaient appelée « LLL« , comprendre « Luo – Luhya – Le reste« .

Heureusement, la National Cohesion and Integration Commission (NCIC) a annoncé la semaine dernière que l’alliance KKK favoriserait la haine raciale. Même l’ancien président, Daniel arap Moi, a condamné lors d’un discours le regroupement de parti politiques/politiciens sur le seul critère d’une appartenance à une tribu !

(suite…)

On ne parle que de lui sur les sites sociaux kényens !!! Il a envahi Twitter (#makmende) et sa fan page de Facebook est passée de 8 000 à 14 000 fans en moins de 24 heures.

Makmende est partout !! L’effet Makmende peut donc être qualifié de premier buzz viral Internet au Kenya. Un buzz viral comme on dit…

Mais qui donc est Makmende ??

Un mec qui ne se prend pas au sérieux et qui se moque du fait que l’on utilise son nom et son personnage pour faire des blagues…  Bref, vous l’avez bien compris, Makmende est l’équivalent de notre Régis national (le fameux Régis lancé par Les Nuls dans les années 90).

Makmende est un super héros kényen, un mélange de Shaft (le bad-ass), de Jack Bauer et de Chuck Norris…  On peut aussi ajouter à cette liste: Bruce Lee, Kung-Fu Panda, ou même Rambo et Borat.
Et non, Makmende n’est pas le street-boy qui fait son karaté quotidien sur Chiromo road/Waiyaki way !

Il y a à peine trois semaines de cela, personne ne connaissait Makmende.  Puis, peu après, quelques Makmende sont apparus par-ci par-là, et des bloggeurs se demandaient « Mais qui donc est ce Makmende ? ».  Maintenant, Makmende est devenu tellement populaire, que certains commencent déjà à dire « Est-ce que Makmende pourrait arrêter de polluer mon mur/ma page Twitter !! »

(suite…)

Qu’est ce que Shuga ?

Shuga est le nom d’une série télévisée lancée par la Fondation MTV Staying Alive* et qui a été diffusé en décembre dernier sur plusieurs chaînes de télévision kényennes.

*Le but de la Fondation MTV Staying Alive est de réduire le risque d’infection du VIH/SIDA
dans le monde des jeunes, à l’aide de campagnes de sensibilisation
axées principalement sur les médias.

Shuga a eu beaucoup de succès auprès des jeunes kényens car Shuga ne ressemble aucunement aux autres séries télévisées kényennes souvent de très mauvaises qualité.  Shuga a été fait par des professionnels, et cela se voit tout de suite.  Shuga est donc peut-être le premier feuilleton kényen de qualité internationale.

Bon, Shuga parle de sexualité chez les jeunes et nous embarque dans la vie de jeunes étudiants, tous brillants  mais qui mettent leur vie en danger à cause de mauvais choix dans leur vie sexuelle.  Shuga est éducatif, provocant et marrant; et a eu beaucoup de répercussions sur la population kényenne car un grand nombre de jeunes ont été se dépister après avoir visionné Shuga (Note – les trois feuilletons de 25 minutes peuvent être visionnés en bas de cet article).

Alors, face à ce succès, on peut se demander si l’on verra très prochainement de nouveaux feuilletons comme Shuga et parlant de la sexualité sur les chaînes kényennes ??  Et bien, la réponse est simple : NON !!!

Le gouvernement kényen a la main mise sur les médias !

Tout simplement, parce que le 8 janvier 2010, M. Ndemo, Secrétaire permanent chargé de l’information et de la communication, a annoncé que le gouvernement allait modifier la loi sur les médias pour imposer plus de censures… et ce malgré le fait que les médias et le gouvernement étaient parvenus à un consensus en novembre 2009.  Bref, un « coup du poignard dans le dos » des médias ou une porte-guillotine comme sur le dessin de Gado ci-dessous.

Donc, plus (+) de censure !!! C’est-à-dire qu’à partir du 1er janvier de cette année, les radios devront limiter les débats/discours sur le thème de la sexualité et que les scènes à caractère sexuel dans les films du soir (après 10 heures du soir) seront également censurés (et oui, les films avant 10 heures l’étaient déjà).  La nouvelle loi demande aussi à ce que les médias ne tiennent pas de discours à caractère offensif, parlent de la sexualité de manière explicite et offensive ou font gloire à la violence.

(suite…)