Depuis le départ de l’UNIQUE et ULTIME Président Moi en 2001 et l’arrivée du gouvernement de Kibaki à la suite d’élections que l’on peut qualifier de “libres” et multipartites, les Etats-Unis et le gouvernement Kibaki sont devenus de vrais amis, à un tel point que ce dernier est souvent dénommé comme “pro-américain”…

Pendant toutes ces années de terreur 9/11 (et quelques attaques terroristes dans la ville de Mombasa), les américains ont réussi à consolider leurs relations avec le Kenya: installation de bases militaires américaines près de l’île de Lamu, surveillance des frontières somalienne et soudanaise, arrestation de musulmans sur la côte kényenne et extradition de certains, attaques ciblées de groupes armés et même parfois bombardement près des frontières, pourparlers pour résoudre le problème soudanais à Naivasha, etc. et j’en passe !! En échange, bien sûr, une reprise des contributions financières de la Banque mondial (américain), FMI (européen), etc., bref, pleins dollars pour le pays les politiciens.

Il ne va pas sans dire que la majorité des musulmans du Kenya n’ont pas du tout apprécié les violentes arrestations de leurs compatriotes, souvent sans preuve.  A un tel point que lors des dernières élections, en décembre 2007, le parti de l’opposition ODM – et leur leader Raila Odinga – n’avait pas hésité afin de gagner des votes à signer un mémorandum d’accord secret avec les musulmans du Kenya;  accord qui avait fait polémique au Kenya mais qui est encore utilisé de nos jours aux Etats-Unis pour enfoncer Obama… et oui, la photo d’Obama à côté d’Odinga prise lors de sa visite en 2006 au Kenya est encore utilisée pour accuser Obama d’islamiste – Lire mon article, sous-titre: “Mais quel est donc le lien entre ce qui c’est passé au Kenya en décembre 2007 et les propos islamophobes des républicains de la campagne de novembre 2008 ?”

Puis il y a eu les troubles et conflits armés à la suite des élections de 2007 et l’arrivée de Kofi Annan qui a réussi après un mois de douloureux travaux à mettre en place un gouvernement de coalition avec comme Président, notre bon vieux “mzee” Mwai Kibaki, et comme Vice-président, le candidat de l’opposition Raila Odinga.  Mais, rien de joli n’est sorti de ces dernières élections: des candidats qui ont appelé à la haine et à la violence raciales lors de leurs campagnes, des candidats qui ont milité et poussé les masses à former des gangs armés et à s’entretuer, etc.

Noel sous les tropiques, cela chauffe

Des nouvelles du Kenya

Nouvelles de Nairobi (Kenya)

Et surtout, une enveloppe secrète comportant le nom des politiciens devant être jugés pour incitation à la violence et à la haine raciales… Enveloppe qui a voyagé pour finalement être remise à Kofi Annan qui n’a pas cessé ces derniers mois à faire pression sur le gouvernement afin qu’une cour de justice spéciale soit créée au Kenya;  dans le cas contraire, ces personnes devront être jugées à la Cour pénale internationale de La Haye.  Puis, finalement, gros ras le bol de Kofi Annan qui a remis l’enveloppe à la Cour pénale internationale – Lire “Bon, on l’ouvre cette p*tain d’envelope ? Obama au Ghana et électricité au Sahara !”

Mais, entretemps, le Kenya a vu une lueur d’espoir, l’élection de leur nouveau héros national, Barack Hussein Obama, lors des élections américaines en novembre 2008.  Barack était devenue la nouvelle star du pays, car si vous ne le savez pas déjà, le père de Barack Obama était originaire de l’ouest du Kenyan, un luo.

Une fausse lueur puisque très vite, Obama s’est détaché du Kenya, pour plusieurs raisons: la première, essentiellement pour taire et mettre fin aux fausses rumeurs, comme celle d’un certificat de naissance prouvant qu’Obama est né au Kenya (et la bourde de l’Ambassadeur du Kenya au Etats-Unis qui a répondu oui à la question: “Obama est-il né au Kenya ?“), ou celle accusant Obama de marxiste-jihadiste qui veut installer la Sharia law au Kenya.  C’est clair que tout cela n’est pas très bon pour son image;  la deuxième, tout simplement parce que le Kenya s’enfonce de plus en plus pour devenir un “Fail State” (Etat raté) dirigé par une poignée de familles-politiciennes corrompus, égocentriques, mafieuses, [la liste d’adjectifs peut être longue…] et irresponsables.

On assiste donc peu à peu à la dégénérescence des relations entre le Kenya et les Etats-Unis…  Kofi Annan et la Cour pénale internationale attendent discrètement un changement (”on a le temps“), les ambassadeurs font de leur mieux pour pousser les politiques à faire des réformes et surtout améliorer le système judiciaire, les différentes institutions financières mondiales font pression, et…

Et du coup, Obama a lors de son discours d’investiture et de son discours au Ghana clairement attaqué les dirigeants kényens en annonçant qu’il ne travaillerait pas avec des Etats corrompus; d’ailleurs, à la surprise des dirigeants kényens, ses premiers pas en Afrique ont été Ghana, pays de bonne gouvernance où les dernières élections ont été pacifiques et libres.  Et ici, rien n’avance, on attend toujours la fin des procès de Goldenberg (2001) (promesse de Kibaki lors de la campagne présidentielle de 2001) et du scandale de l’Anglo-Leasing (2005), et dire que ces deux scandales ne sont que la pointe de l’iceberg…

C’est Hillary Clinton qui a en premier posé les pieds au Kenya, réunion qui a surement permis aux Etats-Unis et au Kenya de renforcer leurs services secrets puisque l’on a appris récemment qu’une tentative d’attentat a été déjoué une semaine avant la visite de Mme Clinton, et surtout, la semaine dernière, une attaque de l’armée américaine menée avec les services secrets américains sur le sol somalien a permis de tuer un des terroristes les plus recherchés, Saleh Ali Saleh Nabhan, responsable de l’attaque terroriste d’un hôtel israelien à Mombasa en 2002.  Mais Hillary Clinton a surement passé le message que les Etats-Unis en avaient marre de cette république de bananes.

La semaine dernière, c’est l’Ambassadeur des Etats-Unis qui a fait ce qu’un ambassadeur n’avait jamais fait auparavant, ouvrir un compte Twitter (@usamb4reform) pour crier sa rage sur la renomination pour une période de cinq ans de Aaron Ringera au poste de Chef de la Commission contre la corruption au Kenya (KASS – Kenya Anti-Corruption Commission).

Outraged by Ringera’s reappointment. Indication of impunity. A Kenyan told me it’s a slap in the face of Kenyans. What to do? Suggestions?

4:29 PM Sep 2nd from web

Ringera a occupé ce poste pendant déjà cinq années et il a essentiellement pratiqué la posture de l’autruche;  ce qui, entre parenthèses, plait beaucoup au Président Kibaki qui passe la majorité de sa journée à dormir, donc il aime les gens qui adoptent la posture de l’autruche pour leur calme.  Alors, illico-presto, Kibaki l’a renommé… sans passer par la voie officielle qui est, en gros, de faire un appel à la candidature puis passer par le parlement pour approbation.  Et cela a été la goutte d’eau qui a fait dépasser le vase, les Etats-Unis ont donc contre-attaqué !!!

Première contre-attaque, on l’a vu au-dessus, l’ouverture du compte Twitter de l’ambassadeur des Etats-Unis.  L’annulation de la décision de Kibaki par le parlement justifie certes les propos de l’ambassadeur, qui donc continue à critiquer les dirigeants et les pousse à faire des réformes.  Puis un webchat organisé par l’Ambassade des Etats-Unis dont on peur lire les extraits sur le blog de Mars Group Kenya.

Despite warnings by some, I will still speak out supporting reforms in Kenya. President Obama and the Kenyan people demand nothing less!

10:31 AM Sep 17th from web

Deuxième contre-attaque, une réunion mitigée entre Odinga et Obama qui a enfin eu lieu !!  Cela fait déjà un an qu’un délégué du gouvernement kényen essayait de rencontrer le Président Obama, mais en vain.  Et cette semaine, Odinga était aux Etats-Unis pour le sommet exceptionnel de l’Assemblée général des Nations Unies à New York, et les journaux locaux nous ont tenu en haleine pendant toute la semaine: “Réunion annulée“, “Réunion aura lieu“, “Réunion n’aura pas lieu“, etc…  Mais, la photo qui a fait la une du Nation confirme que la réunion a enfin eu lieu !!!

Kumekucha cherche dans son article à savoir à qui cette réunion et photo est utile, surement pas à Obama mais peut-être à Odinga, pour satisfaire ses partisans: “C’était tellement embarrassant et surement très blaissant de voir Raila Odinga rejeté par le Président Barack Obama, un homme qu’il a toujours qualifié d’ami proche. La vérité est que lorsque Obama était venu visiter le Kenya pour retrouver les traces de son près, M. Raila Odinga n’avait pas de temps à perdre pour se “jeune rêveur” fils d’un kényen.”

Et boum !!!  Troisième contre-attaque, le lendemain !! La nouvelle fait la une des journées, une quinzaine de hauts politiciens kényens risquent de voir leur demande de VISA refusé et donc d’être interdits de séjour aux Etats-Unis.  En effet, une lettre écrite par des hauts responsables du Gouvernement américain demandant à ce que les politiciens kényens mettent tout en oeuvre pour instaurer des réformes dans le pays a été envoyée à une quinzaine d’individus du gouvernement kényan, dont des ministres et des parlementaires.  Et le journal nous donne quelques noms, spéculation ou pas, en tout cas on retiendra quelques noms dont Uhuru Kenyatta, Georges Saitoti (Ministre de l’intérieur et de la sécurité), William Ruto, Franklin Bett (Ministre du transport), John Michuki (Ministre de l’environnement) et Mutula Kilonzo…

Et bien sûr, Kibaki a très vite envoyé une réponse officielle aux américains indiquant qu’il “déploré l’envoi de cette lettre” par M. Johnnie Carson, le Conseiller pour l’Afrique du Président Barack Obama, et qu’il “était très concerné par cette affaire;  et il rajoute que ce type d’action n’est pas conforme avec le protocole international en vigueur concernant les codes de conduite et relations entre deux pays amis.”

Cela fait froid dans le dos !!!

Et jeudi, la Banque mondial a annoncé le gel de ces contributions financières d’un montant de 166 millions de dollars américains pour 25 projets dans le pays…  Et pourtant, le Kenya victime de la sécheresse et de la mauvaise gouvernance continue à mendier….  je reprends cette phrase trouver dans Kumekucha et qui en dit long sur la situation actuelle.

Nous ne sommes pas un état en perte.  Nous sommes souverains et nous l’avons dit à tout nos néo-colonialisateurs.  Nous n’avons pas besoins des remarques des étrangers.  Mais hey, regardez-nous maintenant venir avec notre bol laminé or à la main mendiant pour de la nourriture pour ne pas souffrir de la famine.”